A toi, qui es là…
Le deuxième article de l’année que je souhaitais mettre en ligne concernait les racines de ma passion pour les Histoires de vie. Il commençait ainsi :
« Quel étrange pays de l’enfance où se grave l’empreinte de nos futurs pas.
Quand j’étais petite, je me trouvais bizarre car mes rêves ne semblaient pas ressembler à ceux des autres enfants. Je m’imaginais dans un futur immédiat, entrer dans la maison d’une personne âgée, m’asseoir et l’écouter me raconter sa vie.
M’imaginer vivre cette scène me mettait en joie comme si, par ce partage, je me sentais à ma place, en sécurité. »
L’écriture de cet article fut chamboulée par les graves soucis de santé d’un proche auprès duquel je me retrouvai assise, non pas pour l’écouter me raconter sa vie mais prendre sa main et la sentir serrer fort la mienne.
Cet être cher, qui symbolise dans ma fratrie « la mémoire familiale », est en train de perdre sa mémoire et son autonomie. J’assiste bouleversée à sa détresse car il est conscient de ce qui lui arrive : « être là »… tout en ne l’étant plus complètement.
« Là »… adverbe de présence, deux lettres pour raconter notre capacité à prendre place dans un espace-temps. Ces dernières semaines émotionnellement houleuses ont densifié mon rapport au « là » :
Être là aux côtés de la personne aimée
Être là pour faire corps, ensemble, avec les proches
Être là pour que tout se passe au mieux, dans la douceur
Être là dans l’attente des examens et résultats médicaux
Être là dans la gratitude envers le personnel soignant
Être là dans la ouate du silence et m’y ressourcer
Être là avec la sensation de peser une tonne parfois
Être là, attentive à mes besoins de l’instant présent
Être là dans l’écoute des macros et micros mouvements du vivant en moi
Être là, pleine de reconnaissance pour mes ressources intérieures
1000 fois explorées, nourries, éprouvées, partagées…
qui me permettent d’être « là », solide et vulnérable à la fois
Humaine tout simplement.
Le désir d’écrire s’est invité un soir de désarroi.
Besoin de tisser un lien invisible avec cet être cher, en livrant à mon confident-papier ma tristesse, ma tendresse, mes peurs, mon sentiment d’impuissance.
Au fil des jours, j’ai senti dans mon corps à quel point l’écriture me « réinstallait en moi », avec un sol sur lequel reprendre pied et pas à pas, mot après mot, cahin caha, rendre hommage à la mémoire de cet être dont les multiples souvenirs, anecdotes et bobards cocasses ont animé les repas de famille.
Je ne partagerai ici que quelques bribes de ces écrits :
« J’ouvre ce cahier
Pour étirer les fils du souvenir
Et tenter de broder
De jolis points colorés
de Nous avec Toi
(…)
Tu as peur de perdre la tête ?
Ne t’inquiète pas
Nous posons nos mains
Sur ta tendre caboche
Et rattrapons les souvenirs-papillons
Qui se sont fait la malle. »